samedi 11 février 2017

...la petite espérance







Photographie Alex  Masi








""Ce qui m’étonne, dit Dieu, c’est l’espérance.
Et je n’en reviens pas.
Cette petite espérance qui n’a l’air de rien du tout.
Cette petite fille espérance.
Immortelle.

Car mes trois vertus, dit Dieu.
Les trois vertus mes créatures.
Mes filles mes enfants.
Sont elles-mêmes comme mes autres créatures.
De la race des hommes.
La Foi est une Épouse fidèle.
La Charité est une Mère.
Une mère ardente, pleine de cœur.
Ou une sœur aînée qui est comme une mère.
L’Espérance est une petite fille de rien du tout.
Qui est venue au monde le jour de Noël de l’année dernière.
Qui joue encore avec le bonhomme Janvier.
Avec ses petits sapins en bois d’Allemagne couverts de givre peint.
Et avec son bœuf et son âne en bois d’Allemagne.
Peints.
Et avec sa crèche pleine de paille que les bêtes ne
mangent pas.
Puisqu’elles sont en bois.
C’est cette petite fille pourtant qui traversera les
mondes.
Cette petite fille de rien du tout.
Elle seule, portant les autres, qui traversera les
mondes révolus.


Comme l’étoile a conduit les trois rois du fin fond
de l’Orient.
Vers le berceau de mon fils.
Ainsi une flamme tremblante.
Elle seule conduira les Vertus et le Mondes.

Une flamme percera des ténèbres éternelles.


La foi va de soi. La foi marche toute seule. Pour
croire il n’y a qu’à se laisser aller, il n’y a qu’à
regarder. Pour ne pas croire il faudrait se violenter, se torturer,
se tourmenter, se contrarier.
Se raidir. Se prendre à l’envers, se mettre à l’envers,
se remonter. La foi est toute naturelle, toute
allante, toute simple, toute venante. Toute bonne
venante. Toute belle allante. C’est une bonne
femme que l’on connaît, une vieille bonne
femme, une bonne vieille paroissienne, une
bonne femme de la paroisse, une vieille grand-mère,
une bonne paroissienne. Elle nous raconte
les histoires de l’ancien temps, qui sont arrivées
dans l’ancien temps.

Pour ne pas croire, mon enfant, il faudrait
se boucher les yeux et les oreilles. Pour ne pas voir,
pour ne pas croire.

La charité va malheureusement de soi. La charité
marche toute seule. Pour aimer son prochain il
n’y a qu’à se laisser aller, il n’y a qu’à regarder
tant de détresse. Pour ne pas aimer son prochain
il faudrait se violenter, se torturer, se
tourmenter, se contrarier. Sa raidir. Se faire
mal. Se dénaturer, se prendre à l’envers, se
mettre à l’envers. Se remonter. La charité est
toute naturelle, toute jaillissante, toute simple,
toute bonne venante. C’est le premier mouvement du cœur.
C’est le premier mouvement qui
est le bon. La charité est une mère et une sœur.

Pour ne pas aimer son prochain, mon enfant, il
faudrait se boucher les yeux et les oreilles.
À tant de cris de détresse.

Mais l’espérance ne va pas de soi. L’espérance ne
va pas toute seule. Pour espérer, mon enfant, il
faut être bien heureux, il faut avoir obtenu,
reçu une grande grâce.


C’est la foi qui est facile et de ne pas croire qui serait impossible.
 C’est la charité qui est facile et
de ne pas aimer qui serait impossible. Mais c’est
d’espérer qui est difficile.


Et le facile et la pente est de désespérer et c’est la
grande tentation.


La petite espérance s’avance entre ses deux grandes sœurs
et on ne prend pas seulement garde à elle.
Sur le chemin du salut, sur le chemin charnel, sur
le chemin raboteux du salut, sur la route interminable,
 sur la route entre ses deux sœurs la
Petite espérance
S’avance.
Entre ses deux grandes sœurs.
Celle qui est mariée.
Et celle qui est mère.
Et l’on n’a d’attention, le peuple chrétien n’a d’attention
Que pour les deux grandes sœurs.
La première et la dernière.
Qui vont au plus pressé.
Au temps présent.
À l’instant momentané qui passe.
Le peuple chrétien ne voit que les deux grandes sœurs, n’a de regard que pour les deux grandes sœurs.
Celle qui est à droite et celle qui est à gauche.
Et il ne voit quasiment pas celle qui est au milieu.
La petite, celle qui va encore à l’école.
Et qui marche.
Perdue entre les jupes de ses sœurs.
Et il croit volontiers que ce sont les deux grandes qui traînent la petite par la main.
Au milieu.
Entre les deux.
Pour lui faire faire ce chemin raboteux du salut.
Les aveugles qui ne voient pas au contraire.
Que c’est elle au milieu qui entraîne ses grandes sœurs.
Et que sans elle elles ne seraient rien.
Que deux femmes déjà âgées.
Deux femmes d’un certain âge.
Fripées par la vie.


C’est elle, cette petite, qui entraîne tout.
Car la Foi ne voit que ce qui est.
Et elle, elle voit ce qui sera.
La Charité n’aime que ce qui est.
Et elle, elle aime ce qui sera.


La Foi voit ce qui est.
Dans le Temps et dans l’Éternité.
L’Espérance voit ce qui sera.
Dans le temps et dans l’éternité.
Pour ainsi dire le futur de l’éternité même.


La Charité aime ce qui est.
Dans le Temps et dans l’Éternité.
Dieu et le prochain.
Comme la Foi voit.
Dieu et la création.
Mais l’Espérance aime ce qui sera.
Dans le temps et dans l’éternité.

Pour ainsi dire dans le futur de l’éternité.


L’Espérance voit ce qui n’est pas encore et qui sera.
Elle aime ce qui n’est pas encore et qui sera

Dans le futur du temps et de l’éternité.


Sur le chemin montant, sablonneux, malaisé.
Sur la route montante.
Traînée, pendue aux bras de ses deux grandes sœurs,
Qui la tiennent pas la main,
La petite espérance.
S’avance.
Et au milieu entre ses deux grandes sœurs elle a l’air de se laisser traîner.
Comme une enfant qui n’aurait pas la force de marcher.
Et qu’on traînerait sur cette route malgré elle.
Et en réalité c’est elle qui fait marcher les deux autres.
Et qui les traîne.
Et qui fait marcher tout le monde.
Et qui le traîne.
Car on ne travaille jamais que pour les enfants.

Et les deux grandes ne marchent que pour la petite.

Charles Peguy - Le porche du mystère - extrait


mercredi 25 janvier 2017

...365 jours divisés par l'infini (2)






D'un même endroit, observer le mouvement perpétuel d'un paysage marin, 
c'est avoir une réflexion sur la durée et l'instant, sur l'impermanence et l'éternité.

C'est questionner les verbes voir,connaitre, rencontrer.

C'est tenter de saisir le mystère du temps.

L'autre est un paysage . 

Il y a ceux que l'on ne verra qu'une fois sans même les avoir remarqué et que l'on a traversés sans attention. 

Il y a ceux qui nous ont fascinés par leur force,leur histoire, leur caractère et que l'on ne verra jamais plus mais qui se transforment dans notre mémoire au gré de notre imaginaire et de nos émotions.
On les idéalise parfois,les diabolise d'autres fois sans jamais plus les revoir.Le temps en efface certains de notre mémoire.

Il y a ceux que l'on croise tous les jours sans les voir parce que on ne se donne pas la peine de les regarder, croyant les connaitre parce qu'ils nous entourent de leur présence muette. Ceux-là aussi on les fantasme .On les a figé dans un rôle, une apparence qui nous conviennent ou non mais dont on ne cherche pas à les sortir par paresse, confort,nécessité.

Et puis il y en a parfois un qui sollicite toute notre attention. Avec celui-là,souvent, la rencontre commence dans l'étonnement,l'émotion positive et sa beauté est une évidence.

Mais que devient la beauté quand on ne la nourrit pas d'attention? 
Que devient le regard quand on n'aiguise pas sa perception quotidiennement? 
Que devient l'instant quand il se perd dans la durée...





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mardi 24 janvier 2017

...le tempo








quand tu ne peux différer de vivre
tu bats la juste mesure du temps

la fleur

ni pressée de s'ouvrir
ni rétive à la fanaison






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dimanche 22 janvier 2017

vendredi 20 janvier 2017

jeudi 19 janvier 2017

...l'arbre et la maison







le linge ne flotte pas aux terrasses
la cheminée ne fume plus
les fenêtres ne s'allument jamais
l'arbre respire toujours 





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lundi 16 janvier 2017

vendredi 25 mars 2016

...un matin de Bastia

http://florence-arrighi.blogspot.com/

















que photographie-t-on quand on passe dans les rues d'une ville?

son humeur ou la notre?

aujourd'hui la mienne était plutôt claire
portée à suivre des lignes de murs
de marches
de pierres
et apercevoir des tranches de lumière
des traces de vie
des histoires d'hier
traînant encore dans le présent

aujourd'hui la sienne était douce
le ciel trop blanc
les ombres timides
les murs ridés 
les fenêtres à moitié closes


Bastia se laissait voir
et me regardait à peine





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